Les décisions fondées sur la confiance et la coopération collective sont plus efficaces que les décisions individuelles non coordonnées
le 12 mars 2022
Léo Coqk
Les organisations ont intégré que le paradigme de l’individualisme tend à s’estomper au profit d’une collaboration et d’un partage plus important entre les parties prenantes.
Cette prise de conscience d’une plus grande efficacité du collectif sur l’individuel fait écho au fameux dilemme du prisonnier, un scénario fictif permettant de modéliser une interaction fondée sur la méfiance au détriment de la confiance et d’en tirer des conclusions sociales.
Présentation du dilemme
Deux hommes, A et B, sont accusés d’avoir conjointement enfreint la loi, sans que la police n’ait aucune preuve tangible permettant de les faire condamner avec certitude.
Ils sont placés séparément en garde à vue et se voient notifier les choix suivants :
Si A ne fait pas confiance à B et le dénonce alors que B a gardé le silence, alors A sera libre et B sera lourdement condamné à 5 ans de prison ;
Si c’est B qui ne fait pas confiance et dénonce A, alors B sera libre et A condamné.
Si A et B ne se font pas confiance et se dénoncent mutuellement ils seront tous les deux condamnés à une peine légère de 2 ans ;
Enfin, si A et B se font confiance et ne se dénoncent pas, ils seront tous les deux libérés.
Conclusions sociales du dilemme
Manifestement, à l’échelle collective la situation la plus optimale est celle dans laquelle les individus se font confiance et personne ne se dénonce.
Cependant, à l’échelle individuelle et en l’absence de confiance entre les parties, la solution la moins défavorable est toujours celle où l’on dénonce son partenaire, peu important le choix de ce dernier.
Le dilemme du prisonnier amène à deux conclusions :
En l’absence de confiance, l’intérêt individuel prime sur le collectif ; et
Les décisions individuelles non coordonnées sont moins efficace que les décisions collectives coordonnées en ce qu’elles permettent d’atteindre la situation optimale pour chacune des parties.
Conclusions en cas de multitude de choix successifs sur le long terme
Ces conclusions se vérifient donc en cas de choix binaire, néanmoins même face à une multitude de choix successifs et en intégrant divers éléments dans la prise de décision, force est de constater que sur le long terme, les comportements et décisions fondés sur la coopération et la confiance collective sont toujours plus efficaces que les comportements et décisions individualistes.
Ce raisonnement semble in fine tout à fait naturel. En effet, comment des comportements altruistes ont pu apparaitre au sein du monde animal alors que la loi du plus fort y règne ?
A ce titre, on remarque que les stratégies coopératives sont plus souvent gagnantes face aux comportements individuels. Ainsi, il a été dégagé quatre éléments permettant d’atteindre une situation optimale pour chacune des parties :
Il ne faut pas être le premier à trahir ;
Il faut réagir de façon proportionnée au comportement de l’autre ;
Il ne faut pas chercher systématiquement à battre l’autre ; et
Il faut éviter les stratégies trop complexes.
Transposé aux entreprises évoluant dans un système globalisé et en interaction avec de nombreuses parties prenantes, le dilemme évoqué démontre qu’une attitude coopérative sera, sur le long terme, toujours plus efficace pour l’ensemble des parties qu’une attitude individualiste et la recherche de domination. C’est ce que les mathématiques et la nature démontrent.
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Léo Coqk est avocat au Barreau de Paris.
Sources :
Robert Axelrod, Donnant donnant - Une théorie du comportement coopératif (traduit aux éditions Odile Jacob,1992).
Robert Axelrod, The Evolution of Cooperation (1984).