Les échecs de la croissance : la fin d’une ère ?

le 10 octobre 2021

Dès son commencement, la croissance économique s’est retrouvée au centre des questionnements et des politiques mises en place par les Etats. De la révolution industrielle à nos jours, les politiques économiques menées par les Etats occidentaux n’ont eu de cesser de répondre qu’à un unique objectif : produire toujours plus de richesses.

La période des 30 Glorieuses (1945-1975) est particulièrement significative à ce sujet. Avec le quasi plein-emploi et l’émergence de la société de consommation, les chiffres de la croissance atteignent des records. Les modes de vies en sont bouleversés et tendent à s’homogénéiser. Mais depuis le milieu des années 70, de multiples crises ont marqué la fin de cette croissance sans limites, et surtout, un rebond des inégalités.

Malgré la mise en place de l’Etat-providence au sortir de la seconde guerre mondiale, les taux de pauvreté mesurés dans nos sociétés n’ont pas connu la baisse escomptée. Depuis 15 ans, la pauvreté mesurée en France est même repartie à la hausse.

Plus d’argent, plus de pauvreté : les failles d’un système

L’interventionnisme d’Etat prôné par l’économiste américain John Maynard Keynes a été largement plébiscité par nombre de gouvernements occidentaux au sortir de la seconde guerre mondiale. En France, cela s’est traduit par la mise en place de la sécurité sociale, de l’assurance chômage, des allocations familiales ou encore du minimum vieillesse.

Pour autant, force est de constater que ces politiques menées afin de lutter contre la pauvreté se sont soldées par un relatif échec. Alors que le total des richesses produites en France était évalué en 1970 à 126,3 milliards d’euros, 50 ans plus tard ce chiffre a bondi pour s’établir à plus de 2354,9 milliards d’euros.[1]

On produit donc toujours plus, nous sommes de plus en plus dotés en capital technologique, humain et intellectuel. En somme, le pays s’enrichit. Mais pas sa population. Du moins, une partie de plus en plus importante n’en bénéficie pas.

Le lien de cause à effet entre l’augmentation des richesses et l’amélioration du niveau de vie est donc mis à mal. La preuve en est, les pays les plus riches ne sont pas ceux où les besoins fondamentaux sont les mieux assouvis. Au classement des pays affichant le plus fort taux de développement, à savoir les pays où la population vit le mieux, on retrouve en tête l’Islande loin devant les Etats-Unis à la 25ème place, et la Chine en 62ème position…alors même que ces deux pays sont les plus riches du monde.

Et si on prônait le modèle inverse ?

En somme, à quoi bon continuer cette course effrénée à la croissance ? La répartition des richesses telle qu’elle est organisée contribue dans les faits à renforcer les inégalités en laissant toujours une partie de la population à la marge…alors même que cette population est celle qui se trouve le plus dans le besoin.

Le modèle économique dans lequel nous évoluons depuis plus de 60 ans est de fait de plus en plus questionné et remis en cause, notamment à l’aune de la crise écologique. Produire toujours davantage apparait depuis quelques années en contradiction avec les objectifs écologiques que nous promouvons. Protection de l’environnement et exploitation illimitée des ressources ne font pas définitivement pas bon ménage.

Ainsi, l’idée d’une décroissance a pour la première fois émergé en 1972, à la suite de la publication du rapport Meadows qui alerte sur les dégâts de la croissance sur l’environnement. Après avoir été ignorée pendant près de 30 ans en raison des multiples crises survenues à la fin du XXe siècle, cette thèse a ressurgit dans les débats au début des années 2000, et prend de l’ampleur depuis quelques années. Récemment, deux candidates à la primaire écologiste en France ont mis en avant ce concept en le présentant comme une solution à la crise climatique que nous connaissons.

La remise en cause de la croissance prend donc aujourd’hui de l’ampleur. « L’enjeu n’est plus le développement matériel de nos sociétés, mais la transition écologique et sociale. De partager les richesses plutôt que de poursuivre une croissance sans fin qui nourrit les inégalités. » écrit l’économiste et députée européenne Aurore Lalucq.

Il s’agirait alors de rompre avec un modèle qui présente aujourd’hui de nombreuses limites, n’apparaissant plus en phase ni avec nos ambitions sociales, ni avec nos objectifs environnementaux. Seulement, sommes-nous prêts à changer radicalement nos modèles de vie, et serons-nous suivis par nos dirigeants ? Pas si sûr.

[1] Source : L’Insee, Tableaux de l'économie française, Édition 2019.

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Louise Garcia est une étudiante en journalisme qui couvre les dossiers touchant la culture, le sport, et plus récemment l'économie.

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